Editorial 4: Enfants : nature, responsabilité et autonomie
2 Décembre 2010
Avoir un enfant constitue probablement une des décisions les plus importantes qu’une personne peut prendre au cours de sa vie. Il s’agit du summum de l’activité créatrice de nombreuses personnes et, dans la majorité des cas, cet acte représente un engagement auprès d’un autre être humain, qui, au départ, est sans protection aucune et complètement dépendant de ses parents. Pour cette responsabilité qu’il implique justement, le respect de la nature et du développement autonome de toutes les personnes depuis la naissance devrait être compris et pris en compte par chacun d’entre nous, lorsque nous sommes confrontés à la possibilité de devenir parents et ce, à partir du moment où nous possédons le potentiel pour cela (entre 11 et 15 ans).
Dans la ligne de notre éditorial antérieur, nous voulons exposer nos propositions pour cette nouvelle année.
Si, au cours dernier, la majeure partie de notre attention s’est centrée sur le TDAH, en tant que trouble du développement, et sur son environnement, sur la manière dont aider ceux qui en souffrent et ceux qui vivent avec eux, cette année, notre proposition se contre sur l’approfondissement précis de ce développement, qui nous conduira de la première identité jusqu’à la fin de notre vie. La fin sera accompagnée ensuite du souvenir de ceux qui ont surgi de nous, qui ont dépendu de nous ou qui ont simplement participé à notre vie sociale. Ainsi, la première identité, cette représentation mentale de leur enfant qui apparaît dans l’esprit des parents avant sa naissance, l’accompagnera tout au long de sa vie jusqu’à ce qu’il atteigne lui-même le potentiel de donner la vie à d’autres et, par la suite, qu’il sente le besoin de leur dire au revoir à l’heure de la mort. Le développement permettra qu’un être récemment créé se développe de manière autonome par étapes d’une exigence énorme et d’une transformation profonde, par d’autres étapes de stabilité presque proches de l’esthétique, jusqu’à arriver à des phases de régression de la majorité de ses fonctions, qui s’achèveront avec le processus complexe de la mort, de l’au revoir et du souvenir de ceux à qui il a permis de suivre leur propre processus de développement.
Il semble que ceci soit le cycle naturel de notre existence et, au cœur de celui-ci, le respect de la nature constitue la garantie du fait que tout le processus vital se développe de façon satisfaisante. La majorité des espèces animales, parmi lesquelles nous nous trouvons, sont instinctivement capables de s’en sortir dans la vie en s’adaptant. Il est impressionnant de voir de quelle manière les chiens, les chats, les souris, les chevaux et la majorité des mammifères femelles sont capables de se reproduire et donner la vie à leurs petits, avec une fermeté innée dont être le témoin s’avère impressionnant. La nature les dote des ressources nécessaires pour continuer leur développement comme il se doit.
Dans notre espèce, tant influencée par la vie sociale, l’éloignement de la nature pourrait nous conduire à oublier que de nombreuses ressources ne sont pas infinies, que nous avons devant nous un énorme cadeau sous forme de rivières, montagnes, mers, plages, prairies, hommes, femmes, garçons et filles, etc. Et il semble, par conséquent, incohérent que nous résistions aux lois déterminées de la nature et que nous oublions le respect du développement des personnes : que nous nous engagions à ce qu’un petit garçon commence à marcher, lire, parler, etc., avant ce que dit l’expérience fondée sur l’observation spontanée du développement. Ne pas observer ce respect des phases nécessaires à l’atteinte d’une fonction donnée se termine généralement par un épuisement, comme le fait de ne pas respecter les moments de repos déterminés par les cycles naturels (nuit et jour ; saisons de l’année). Il est, parallèlement, déconcertant de constater la manière dont des personnes physiquement adultes sont incapables de s’émanciper avant leur 30 ans, ou plus, ou comme la société semble peu se soucier du fait que filles ayant leurs premières règles ne disposent pas des informations nécessaires pour affronter la responsabilité, déposée en elles par la nature, en raison de leur potentiel à devenir mères, ou que les garçons du même âge n’admettent même pas ce concept en tant que tel. La société s’inquiète plus de rechercher des solutions peu respectueuses de la nature pour couvrir les carences auxquelles notre prise de distance par rapport à cette dernière nous soumet.
Il semble intuitif que l’idéal d’une vie consiste à investir son temps à profiter de toutes les expériences vécues, les expériences positives mais surtout les négatives, pour nous enrichir en tant qu’êtres humains et arriver lors de notre dernier moment à un état de perfection maximale de nous-mêmes, créé à partir de l’expérience de toute une vie.
Chaque nouvelle personne surgit avec son entité propre et avec le potentiel d’assumer peu à peu une autonomie qui la différenciera toujours de ses parents, non seulement physiquement (même si nous rencontrons des personnes évidemment très ressemblantes), mais aussi affectivement, dans sa personnalité, sa façon de penser et d’agir, son idéologie, ses idéaux, ses valeurs, ses goûts, etc.
De nombreux parents pensent que leurs enfants sont une projection d’eux-mêmes et, parfois, dans leur élan protecteur envers eux, ils empêchent la progression autonome de leur propre développement. À d’autres occasions, c’est presque le contraire qui se produit et l’incapacité de certains parents à guider le nouvel être sans protection produit chez ce dernier une déroute de son développement qui, par négligence, finit par manifester tous les défauts et toutes les difficultés qui pourraient, potentiellement, apparaître chez lui, à partir de son patrimoine génétique (avec lequel il naît). Dans cette interaction entre génétique et environnement, les toutes premières étapes du développement semblent essentielles. Si nous sommes, à la naissance, comme un bloc de pâte à modeler, l’environnement dans lequel nous nous développons et l’ensemble de toutes les expériences que nous vivons, vont peu à peu sculpter ce bloc plus ou moins flexible et plastique, de sorte que l’idéal semble être le fait de réussir à dissimuler nos défauts au maximum et à exhiber fondamentalement nos qualités. Mais, ce que nous venons juste d’énoncer, est beaucoup plus facile à dire qu’à mettre en pratique, car nous sommes influencés par une multitude de facteurs, dont beaucoup ne dépendent pas de nous-mêmes, mais bien des toutes premières étapes de notre développement, au cours desquelles nous sommes presque entièrement dépendants et terriblement sensibles aux stimuli qui nous entourent. Au cours de ces étapes, nos parents ou tuteurs peuvent faire beaucoup pour nous en nous équipant des expériences appropriées pour favoriser notre autonomie et notre intégration à cet environnement dans lequel nous allons vivre. N’oublions pas que nos enfants devront affronter des difficultés similaires, voire pires, à celles que nous avons nous-mêmes dû affronter au cours de notre vie, et que le mieux que nous pouvons faire pour eux est de favoriser leur confrontation à ces difficultés avec les ressources suffisantes pour qu’ils s’en sortent en permanence. En outre, il semble que, si nous respectons les enseignements de la nature, présente même avant l’apparition de notre espèce, et sa longue expérience et que nous permettons à nos enfants de se développer conformément à leur propre rythme, selon leurs propres besoins et non aux nôtres ou à ce que disent les livres, nos enfants se doteront peu à peu des ressources suffisantes pour vivre de façon adaptée. Ainsi, dans l’utérus de notre mère déjà, une fois préparés à nous adapter aux changements de température, à la respiration aérienne, à sucer la tétine ou à téter le sein, nous envoyons des signaux à notre mère pour qu’elle se dirige vers la salle d’accouchement et nous permette de voir le jour, avec plus ou moins de difficultés. Et, ensuite, quand les aires motrices de notre cerveau, notre cervelet et nos muscles sont prêts, nous commençons à ramper, à marcher à quatre pattes, puis à marcher. Il n’est pas question de leur « enseigner » à atteindre les objectifs du développement, mais de respecter le rythme de leur développement et de leur donner l’espace suffisant pour qu’ils puissent mettre en œuvre ces nouvelles fonctions qu’ils se sentent prêts à exprimer. La surprotection au cours de ces étapes ne fait rien de plus que restreindre l’espace duquel le nouvel être humain a besoin pour manifester ses potentiels et la négligence l’empêchera de s’entourer de la sécurité nécessaire pour essayer d’atteindre de nouveaux objectifs. Par ailleurs, la clé de la découverte de cet équilibre réside probablement dans le respect de la nature, des rythmes de développement et de l’entité de l’autre (même si l’autre est notre propre enfant).